mercredi 18 avril 2007

Spring Break, holding à l'Americaine

L’étudiant anglais, français, allemand ou espagnol ayant passé son week-end printanier à bûcher ses cours et polycopié chez ses parents, n’avait pour ainsi dire pas vraiment la tête à ça. Contrairement à son homologue américain qui semble pris d’une amnésie soudaine, quant à la teneur lexicale même du mot « examen », et qui empruntait à la même heure le 4X4, ou pick-up, ou bien encore cabriolet parental, pour fêter je ne sais quoi, avec ses camarades de fortune.
Car Pâques, pour l’étudiant américain n’a rien à voir avec la résurrection du Christ, avec la période pré examen, ou l’arrivée des vacances de printemps. Pour Jim, Bob, ou Pamela, Pâques c’est Spring Break, une Institution, une Tradition, un Incontournable de la vie étudiante. Ou si l’on en croit les photos, un incontournable des nostalgiques de la vie estudiantine, au vu de la présence digne et affairé du Président et Vice-président Américain sur les plages de Cancun l’année précédente. Une garantie de valeur morale des plus sures, nous en sommes surs, sous couvert d’ambiance générale des plus ensablées.

Aux Etats-Unis, le week-end pascal est, traditionnellement, l’occasion de ferias sexuelles, alcooliques et décérébrées. Des plages du Mexique à la Floride, en passant par les plages Californiennes, des lâchers de jeunes gens riches et à peu prés éduqués dans le puritanisme wasp et démocrate viennent parfaire le paysage de carte postale. Le challenge est rude pour être au niveau. Trois jours au pire pour dans un ordre précis : Boire de la bière ou des cocktails à même le tuyau d’arrosage, et ce, sans porter de vêtements pouvant être taché, élire la miss « maillot minimaliste », reprendre un verre/un seau d’une boisson non identifiée afin de tenir le coup jusqu’à l’élection de « miss populaire et sexy tee-shirt mouillé », avant de gagner une boite de nuit où, business américain aidant, ils seront présurés au nom de l’idéal fashion de l’amusement, par de riches financiers. Ces périodes pré examens dévoilent de jeunes américains décidant d’être aussi responsable avec leur argent et leur moralité qu’au choix, un troupeau de buffle en rut débarquant à Las Vegas, ou, leur propre gouvernement quant à la politique au Moyen Orient.

Trois jours pour faire n’importe quoi. Trois jours qui, au nom de la tradition américaine, ne porteront pas à conséquence, car tout sera pardonné. Du moins ce qui pourra être avoué, car alcool oblige, ils ne se souviendrons ni du prénom de leur/leurs partenaire/s, des endroits visités, et sûrement pas de la contradiction culturelle qu’ils s’acharnent à faire croître, et qui semble être particulièrement assumée.

Le hors champ social et moral quand il peut être observé, (ce qui sous entend, par quelqu’un de lucide et sensé, ce qui ne semble pas être la norme américaine en période pascale) montre de riches américains prônant en public, onze mois par an, une conduite morale et respectueuse des principes bibliques, avec une bonne dose d’hypocrisie latente assumé. Pendant ce Spring break, tout est permis, tout est encouragé, tout est amplifié, et les troupeaux estudiantins immatures en redemandent, heureux dans leurs efforts incommensurables de bêtise, d’être aux côtés de leurs idoles d’MTV ou des stars de People TV.

Ce qui ne semble à première vu, n’être qu’une gigantesque orgie globale, gommant temporairement les paradoxes communautaristes américains, dans une débauches de sexe et d’alcool, n’est finalement qu’un prétexte à amplification de ce même paradoxe. La fête se fait entre communauté, qu’elles soient sociales ou ethniques. Ne nous mélangeons pas trop, nos voisins font peur.

Plus qu’une fête estudiantine, permettant de se débarrasser du stress inhérent à de longues études et de la tension que peut provoquer l’idée d’examens sous forme de QCM, il s’agit surtout, pour les plus aisés, d’une concentration de jeunes gens consolidant leurs positions sociales et construisant habilement leurs futures carrières professionnelles ou politiques. Le tout sans prise de conscience, ou peut être sans intérêt, pour la masse d’étudiants n’ayant même pas la chance de pouvoir rêver, que ce ne soit que du mot week-end.

Le Spring Break ravive les tensions sous jacentes, d’une Amérique en proie à ses propres contradictions, à l’échec de ses modèles sociaux, mais le tout, sous une autre forme, celle de l’excellence, du style, de l’ambiance et du fashion des soirées organisées.
Un concours de position sociale, de communauté, de style de vie exacerbé, un combat digne des arènes, où il ne peut en fin de compte, n’en rester qu’un, celui qui se hissera assez haut, pour y demeurer longtemps. Un combat où les élites assurent leurs renouvellement par les élites, en écrasant sous de grands modèles stéréotypés les moins chanceux, ceux qui se perdront dans le méandre de la société américaine, ceux qui croient encore au Rêve Américain.


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